Il est temps de se réveiller, la crise du covid ne doit plus servir de prétexte à la destruction des scènes artistiques les plus créatives de France. L’avenir et l’attractivité de la coiffure en dépendent.
L'artistique en danger
Le Festival Métamorphose, Coiffure Beauté Méditerranée, le Festival de la Coiffure des Rives du Léman, la litanie des reports, annulations ou disparitions des événements où l’on mettait l’artistique et la création à l’honneur s’allonge. Reste le Hair Congress/Tribu-te. Quant aux divers Beauté Sélection, si l’artistique y est parfois présent, ces rendez-vous sont plutôt liés au business, aux nouveautés produits et à des concours. Et le MCB by BS ? Bien… mais rien à voir avec l’avant crise et l’événement est plus un lieu de consécration que de découverte des nouveaux talents.
Trop d'économies tuent le marché
La crise sanitaire est là c’est indéniable mais elle a parfois bon dos pour masquer les atermoiements délétères qui tuent les initiatives de qualité et même les trahisons de certains depuis plusieurs années, sortant du bois sous couvert de covid et décidant de ne plus soutenir ce qui nourrit un métier, ce qui lui permet de découvrir et promouvoir les talents de demain et qui donne une respiration bienvenue au quotidien des coiffeurs. Nombre de grands pontes d’entreprises liées à la coiffure sont de moins en moins enclins à soutenir ce que de purs gestionnaires voient comme une simple ligne de dépense budgétaire sans retour sur investissement. Ce sont souvent les mêmes qui se demandent pourquoi les coiffeurs n’ont toujours pas compris qu’une commande sur le site internet de la marque suffit et que le déplacement régulier du commercial de secteur est inutile, sauf pour ouvrir de nouveaux comptes…
Des grands noms découverts sur scène
Un peu de connaissance de notre beau métier permettrait pourtant à certains de ces surdiplômés, pleins de certitudes et gavés de modèles économiques mais novices en culture coiffure, de savoir que nombre des plus grands acteurs qui ont fait bouger ce métier ont été découverts ou mis en avant grâce à ces éclectiques lieux de rencontre et de création. Même au niveau des franchises dont la France est un leader mondial, si Jacques Dessange s’est fait un nom grâce au show biz, des Franck Provost ou des Michel Dervyn ont fait leurs premières armes sur scène. Quelques-uns des coiffeurs les plus reconnus ont fait leurs premiers pas sur ces scènes de régions, puis nationales et enfin internationales, participant au rayonnement mais aussi au développement économique de notre métier. Même des stars planétaires comme Robert Lobetta ont été de jeunes créateurs, notamment au festival Métamorphose en 1982, en France, dans cette si exotique ville de Béziers! Beaucoup des noms qui ont compté ou qui portent aujourd’hui la coiffure ont fait leurs premiers pas sur ces scènes. De Bruno Pittini à Jean Baptiste Mazella en passant par Stéphane Amaru, ils sont des dizaines à avoir échangé, grandi sur scène dans un investissement qui s’est avéré payant pour tous : eux, les marques, la profession. Christophe Gaillet, Saco, Angelo Seminara, Trevor Sorbie, Tim Hartley, Stephan et Brice Brial, le brillant étudiant devenu star Pierre Ginsburg, Ludovic Geheniaux, Toni& Guy France, Llongeras, l’inclassable Daniel Harlow ou l’élégante Nahema Abaroudi (pour Jean Claude Audry), La Maison Gérard Laurent, Xpresion, Christophe-Nicolas Biot, Pierre Saint Sever, Bruno Barbeyrol, Raphael Perrier, Céline Antunes, Sandrine Ruiz, Vincent Moutault et de nombreux coiffeurs et formateurs ont développé leur image, leur notoriété ou leur business grâce à ces événements. Les trois-quarts prenant appui sur une des pépinières du sud de la France.
Le Sud pépinière de talents
La première, mythique, forte de 40 ans d’antériorité, est Métamorphose. La seconde, Coiffure Beauté Méditerranée, nous régale depuis plus de 15 ans en ayant permis de faire émerger quelques-uns des talents en pointe des équipes artistiques et de formation en place. Mention spéciale également pour l’atypique et si dynamique festival du Léman à Evian. Tirer un trait sur ces événements c’est abandonner une coiffure de qualité et l’expression d’une créativité non normée issue de tous milieux et toutes les influences. Savez-vous où la bataille, puis la fusion, entre l’élégance à la française et la modernité à l’anglo-saxonne ont été les plus intenses ? Lors de battles mémorables à Béziers dans les années 80, les protagonistes en venant presque aux mains ! Dans ce même lieu où les concours sans filtres et les combats à l’applaudimètre ont généré des vocations extraordinaires au milieu d’une joyeuse anarchie organisée, tant chez les jeunes compétiteurs que dans le public sous la direction d’un fou génial, Henri Devos dont Titus Devos a repris le flambeau jusqu’en 2019. Cet autre fou capable d’organiser un événement pour promouvoir la coiffure alors même que le fisc lui conteste ce rôle, le prenant pour un mythomane (un festival international à Béziers ? On ne la fait pas à nos contrôleurs parisiens !) et que tous ses biens sont bloqués ! Une passion et un engagement qui devraient donner à réfléchir à tous les pisse-froids qui craignent leur ombre et râlent sans jamais se bouger.
Les algorithmes de la médiocrité
Sans ces fous, ces passionnés, ces jeunes, ces artistes et formateurs en devenir que dévoilent ces événements atypiques mais de qualité, nous irions vers une coiffure sans âme, sans inspiration, sans échange humain et à la merci des seuls réseaux sociaux qui, rappelons-le, sont régis par des algorithmes vous montrant ce qui est proche de ce que vous avez déjà aimé, bref une extinction de la curiosité et de la surprise qui permettent d’évoluer. Une coiffure à la Ginette embourbée dans le kitsch et le ringard. « On se réfugie dans le médiocre, par désespoir du beau qu’on a rêvé… » écrivait en connaisseur de l'âme humaine un certain Gustave Flaubert
