Réinventer le travail de coiffeur
25/03/2022 EconomieLes réflexions sur les pratiques de la coiffure n’ont jamais été aussi intenses sur fond de crise aiguë du recrutement. Mais où sont passés les coiffeurs ? Et, surtout, comment les retenir et avec quelles conditions de travail ?
La tendance à s’agrandir des salons s’est inversée. Comptant pour un peu plus de 40 % il y a 10 ans, les microstructures (salons ou hors salons) sans salariés sont devenues majoritaires, autour de 60 %*. Plus largement, c’est la pratique de la coiffure qui a changé. Désormais, plus du quart des 100 000 établissements existent hors salon, soit via la coiffure à domicile classique, soit via des pratiques mixtes en louant des espaces dans des salons grâce aux plateformes numériques (BeautyCab, EsCoBe, Kiute…), soit dans les nouveaux espaces de coworking (La Fabrica, Le Loup, Baïbaé…), sans oublier le retour des salons itinérants dans de belles camionnettes aménagées.
Hémorragie vers l'indépendance
Le mouvement s’est accentué pendant la crise du Covid, la profession perdant 2 250 salariés parallèlement à 2 000 créations de microentreprises. En dix ans, nous avons perdu près de 15 000 salariés (il en reste 109 000)… Des départs secs autant qu’un transfert du salariat vers l’indépendance, le plus souvent sans ouvrir de salon, l’ancien graal du coiffeur. Est-ce un progrès ? Pas sûr, lorsque l’on sait que les petites structures n’évoluent que peu au fil des années et que rares sont celles qui pratiquent une coiffure haut de gamme. Pourtant rien n’est perdu, les nouveaux coworkers et de plus en plus d’indépendants et autres free-lances qui s’installent à domicile font le choix de prestations plus qualitatives et ciblées, avec des tarifs plus élevés au lieu de se brader.
Un pari risqué sur l'avenir
Le service à domicile est un plus qui doit se faire payer, estiment-ils à juste raison. Autre écueil pour les indépendants hors salon, les statuts fiscaux. Beaucoup font le choix de ne payer que des charges minimales, quitte à restreindre leur développement, pour conserver leur statut de microentrepreneurs, les faibles revenus dans la coiffure aidant de toute façon à ne pas les dépasser ! Mais c’est une bombe sociale qui se dessine, avec une couverture prévoyance et retraite a minima pour ceux qui n’ont pas souscrit de contrats complémentaires, même si le régime maladie a, lui, été amélioré…
Un modèle de salon à réinventer
À domicile ou en salon, depuis dix ans les pratiques sont sorties des clous. Les salons se sont multipliés de façon anarchique, passant de moins de 1 pour 1 000 habitants à 1 pour 800, et même 1 pour 700 dans certaines zones. Dans le même temps, le nombre de coiffeurs hors salon a plus que triplé… Avec un chiffre d’affaires global qui a très peu évolué, autour de 6 milliards d’euros. Le résultat ? Une paupérisation générale pour la majorité des coiffeurs, accentuée par la prolifération de salons illégaux qui cassent les prix. Des prix bas, des salaires bas et… la fuite des salariés qui quittent le métier ou se mettent à leur compte. Un cercle vicieux dont la profession peine à sortir. Facteur aggravant, le Covid a touché de plein fouet de gros salons dans les grandes métropoles. Cas extrême, des quartiers d’affaires du Grand Paris se sont vidés d’une clientèle à fort pouvoir d’achat en télétravail depuis deux ans. Autre secteur en souffrance, les centres commerciaux pris entre fermetures sanitaires et désaffection d’une partie de la clientèle. A contrario, certains salons petits et moyens de proximité ont gagné une nouvelle clientèle. La coiffure de demain est difficile à dessiner mais le salon, avec une approche renouvelée et montant en gamme, a des cartes à jouer. Aujourd’hui, les trois quarts des salons se positionnent en milieu de gamme, un fourre-tout de plus en plus grignoté par le low cost et des salons milieu-haut de gamme répondant à une attente supérieure de service. Et l’avenir de la coiffure passe par les salons, clés du recrutement et de la revalorisation du métier, où se forme la quasi-totalité des coiffeurs : sans apprentis en salon, pas de coiffeurs demain !
* rapport de branche Unec/Cnec.
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