Le luxe a-t-il sa place en coiffure ?

13/04/2023 Marques et fournisseurs
Marques et fournisseurs Le luxe a-t-il sa place en coiffure ?

Le milieu de gamme souffre de la comparaison avec le low cost, une montée en gamme semble nécessaire… Oui, mais jusqu’au luxe ou selon des codes proches ? Le haut de gamme ou luxe abordable semble une bonne piste.


Il existe de nombreuses définitions du luxe, qui varient selon les cultures et les époques. Ce sont parfois des services, des produits, des lieux ou des marques qui le personnalisent. Le luxe peut aussi être une expérience, comme boire une coupe de champagne en montgolfière au-dessus des châteaux de la Loire ou… passer chez certains coiffeurs ! Dans une grande ville, le luxe, cela peut ainsi signifier posséder de grands espaces au bon endroit. Pour un Saoudien, ce sera une robinetterie en or et du marbre partout, le but étant de détenir tout ce qui est le plus cher dans une logique bling-bling. Pour d’autres au contraire, le luxe sera fondé sur une certaine discrétion et des codes reconnus entre initiés. Et ces derniers changent, surtout pour ceux qui ne veulent pas consommer comme le Monsieur Tout-le-monde nouveau riche. Car la notion de luxe est souvent exclusive, donc excluante ! Conscient de cela, Emmanuel Gasnot, président de Dessange International, interrogé lors du dernier BS Congress de Deauville, gardait une certaine distance : « Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler de luxe dans la coiffure, ni même que ce soit opportun, pour plusieurs raisons. Plutôt du premium. Nous sommes des artisans apportant un service qui peut, et doit selon nous, être soigné et qualitatif. Mais ce n’est pas du luxe à proprement parler, plutôt des prestations haut de gamme. Et, surtout, le plus important : dans les salons Dessange, il y a plusieurs types de clientèle et nous voulons n’en exclure aucun. Une femme qui veut se faire plaisir de temps en temps malgré des moyens réduits doit pourvoir venir et se sentir à l’aise. Ainsi nos tarifs, quoique élevés, restent abordables. Et notre première exigence est plus une exigence de résultat pour être les meilleurs possible et révéler la beauté de la femme. Pourtant, la qualité des résultats en coiffure, cela doit plutôt être vu comme un prérequis, pas un luxe ! »

Le temps et l'exclusivité
Il faut reconnaître que les enseignes références que l’on qualifierait de luxueuses, comme Alexandre de Paris, Carita, Patrick Alès ou autres, sont réduites, mais cochent plusieurs des cases reconnues du luxe : exclusivité, histoire forte et environnement d’exception, ce qui est difficilement duplicable en franchise. Le luxe, pour certains, c’est l’espace et les dorures, pour d’autres, c’est le boudoir intime. Depuis dix ans, on a vu fleurir de nombreux salons, souvent montés par des anciens de maisons de coiffure prestigieuses ou venus du monde du studio. Dans ce cas, le luxe, c’est passer deux heures pour une coupe ou une demi-journée et plus pour une coloration avec une star de la coiffure. L’individu devient la marque. Mais finalement, le prix à la minute n’est pas hors de proportion, la plupart restant autour de 2 euros la minute, là où le petit salon de quartier sera autour de 1 euro… Soit un rapport pas délirant de 1 à 2. Des coiffeurs, souvent jeunes et pas forcément très connus mais aux prestations très ciblées – et qualitatives tout de même ! –, arrivent au même résultat mais là encore, en y regardant de plus près, le luxe que se paient les clients, c’est… le temps passé autant que le service. Quand un Thomas Tuccinardi facture 560 euros pour un balayage, c’est une prestation complète de six heures que l’on réserve, soit 1,60 euro la minute. Chez Thiedesarts, le balayage (et les à-côtés) un peu supérieur commence sous les 300 euros… mais pour deux heures et demie, soit un coût à la minute légèrement supérieur mais restant sous la barre des 2 euros ! Rodolphe pratique les mêmes tarifs, mais travaillant avec une équipe, on peut aussi accéder à un balayage de qualité avec un de ses collaborateurs pour moins de 200 euros ! On a parfois reproché à Ludovic Geheniaux ses tarifs en coloration, se chiffrant en centaines d’euros, mais les séances duraient des heures pour des résultats impressionnants. « Le temps doit être rémunéré, concède Emmanuel Gasnot, les coiffeurs ont parfois du mal à oser pratiquer certains tarifs, mais s’ils sont justifiés par la technique et la prestation, il faut juste bien l’expliquer aux clients. Mais un point est essentiel, le résultat, même bon, n’est pas en soit un “luxe”, c’est l’ensemble de l’environnement qui donne le ton. Un avion Paris-New York en classe économique, on le fera à 700 euros, en première, ce sera 7 000… Soit un rapport de 1 à 10 ! Pourtant, c’est le même avion de qualité, le même pilote, que l’on espère bon, et la même traversée !!! En revanche, l’expérience et les services n’ont rien à voir. En coiffure, on tend vers une excellence, on s’en donne les moyens. Je parlerais plutôt d’engagement et de respect de l’exigence. Et rien qu’ainsi, cela implique une grande pression. À partir d’un certain niveau, toute erreur ou approximation n’est plus acceptée par les clients. »

Exigence sans compromis
Le haut de gamme, s’il veut tutoyer le luxe, doit passer à un niveau supérieur, comme l’explique Éric Plazgraf, créateur de Coiff1rst. « Je suis fasciné par les endroits d’exception et luxueux et j’incite les collaborateurs à se montrer curieux pour s’imprégner des codes, des ambiances, des services ou des attitudes. Un café, je peux le payer 2 euros à l’établissement en bas de chez moi, mais 12 euros et plus dans un hall de palace. Dans les deux cas, c’est un café… Mais je ne regrette pas mon moment à 12 euros, j’y ai vécu autre chose ! » Le haut de gamme permet aussi de mieux rémunérer ses collaborateurs, mais à condition d’aborder son travail avec une démarche adaptée, une exigence personnelle forte et de l’engagement. Un vrai problème au moment où le recrutement est tendu. Et aujourd’hui, au même titre que tous les secteurs, le premium et le luxe ont une exigence supplémentaire : l’engagement social et écologique, essentiel pour les générations Y et Z (mais plus seulement elles). Or, celles-ci représentent désormais plus de la moitié des clients. Ce qui pose un autre défi aux marques, car ces générations sont très largement influencées par la e-réputation et l’image digitale, un domaine trop souvent négligé dans nos secteurs. Delphine Dion, spécialiste du luxe et professeure à l’Essec, rappelle régulièrement pourquoi le luxe et le premium ne doivent pas être regardés comme à part mais bien pris en compte par tous : « Ce marché fait face à une forte démocratisation. Ce n’est plus uniquement l’ordinaire des milliardaires, c’est devenu l’extraordinaire des classes moyennes… » Même si c’est surtout vrai… en Chine ! Il n’empêche, la formule amène à réfléchir, à l’heure d’une bipolarisation de plus en plus forte de la consommation, coincée entre le low cost et le haut de gamme, avec un milieu de gamme qui peine de plus en plus à se renouveler. Le « luxe accessible » devient une piste à creuser.


Les codes du luxe
- L’exclusivité et la rareté, voire la personnalisation.
- La qualité des produits et l’origine des matériaux et des ingrédients.
- Le savoir-faire de l’artisan et l’excellence du service.
- L’histoire de la marque.
- Le positionnement prix.



Le luxe ne connaît pas la crise
Les produits de luxe ont mieux résisté que les autres à la crise en rebondissant dès la fin 2020, y compris en cosmétique. Le luxe pur reste un marché limité, malgré sa forte valeur, touchant moins de 5 % de la population mondiale, souvent pour une consommation occasionnelle. Les économistes avaient prévu un rattrapage en 2025, après l’effondrement lié à la crise sanitaire de 2020. Début 2022, le secteur avait déjà retrouvé ses niveaux

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