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La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com

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L' équipe de la rédaction de L' ECLAIREUR composée de  Brice Thiron, Florence Baumann assisté de l' éditeur Christian GUY ainsi que d' autres contributeurs occasionnels ont  réuni les archives de L'ECLAIREUR,  Vous bénéficiez ainsi de plus de 75 ans d' expérience de la coiffure cumulées par nos équipes,  lesquelles ont interviewé  les plus grands professionnels,  dans tous les métiers.

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06 mars 2011

Bonjour,

Merci pour votre rubrique de blogs tres utile...Comment puis je selon vous gérer et srtout retenir les coiffeurs que j' appelle « zapeurs » ?

Brice

Beaucoup de coiffeurs s'en plaignent : le salarié serait aujourd’hui de plus en plus zappeur, et n’hésiterait pas à partir sans prévenir. Après bien sûr avoir pris tout ce que son employeur pouvait lui apporter question formation ou stages... Et ce n’est pas avec le DIF que ça va s’arranger ! «J’avais au salon une fille qui préparait son CAP esthétique dans une école privée, le salon en payait une partie pour l’aider, et pffuit : elle est partie du jour au lendemain...», déplore Yolande Urbano (salon «Yolande Urbano» à Paris 15ème). «Et ce n’est pas la première fois, alors que je forme toutes mes collaboratrices, en coiffure comme en esthétique...»

UNE QUESTION DE MENTALITÉ ?
Un constat partagé par de nombreux coiffeurs : «Parfois, on ressent un peu d’amertume», confie Julien Delisle (salon «Julien Delisle» à Nantes), «et on se demande pourquoi on bosse.»
Vouloir bouger, c’est normal, surtout pour un jeune collaborateur. Mais l’employeur qui fait de la formation attend, et c’est normal, un retour sur investissement ! Au banc des accusés : la mentalité inculquée dans les CFA et lycées, où l’employeur serait systématiquement présenté sous un angle négatif ; «l’esprit 35 heures» ; et la dévalorisation du travail manuel. Certains la jouent fataliste: «J’avais un engagement moral avec un jeune, qui devait rester au moins deux ans après son BP, il ne l’a pas fait, c’est comme ça et c’est tout», se souvient Stéphane Auger (3 salons à Saint-Etienne). Et le DIF (20 heures de formation par an et par salarié) risque de ne pas arranger les choses. Car dans un cas extrême, on  peut imaginer un salarié suivant une formation (gestion, par exemple) qui lui donne des connaissances lui permettant finalement... de s’installer ! «Bien sûr, c’est à l’employeur d’essayer de l’orienter vers un stage qui correspond plus aux besoins de l’entreprise», précise le service juridique de l’Union régionale Ile-de-France. Mais il ne peut refuser une demande que deux fois, après ça passe dans le cadre du Congé individuel de Formation.

QUELQUES PARADES... LIMITÉES
Face aux salariés qui quittent l’entreprise une fois formés, quelques parades juridiques, limitées, existent. «Concernant les formations en alternance», précise Michèle Duval, secrétaire générale du CNEC, « il n’y a rien à faire. Pour les confirmés, nous encourageons nos adhérents à prévoir des clauses de dédit-formation.» But : dissuader un collaborateur de démissionner rapidement après avoir été formé, sinon il doit rembourser les frais de stage. Depuis quelques années, Stéphane Auger (3 salons à Saint-Etienne) l’inclut dans les contrats de travail : «Je n’ai jamais eu à la faire jouer, car je l’explique bien au départ.» Même s’il refuse le terme de «dissuasif», l’idée, c’est de ne pas payer une formation coûteuse à quelqu’un qui sait qu’il va partir 6 mois après. D’inciter, donc, le collaborateur à jouer cartes sur table. Et Stéphane Auger cite l’exemple de ce salarié qui rêvait d’être pompier: «Un jour, j’ai voulu l’envoyer en stage de morphocoiffure, une formation qui coûte cher. Il m’a dit : «écoute, ce n’est pas la peine. Je viens de réussir les écrits des examens pour être pompier, je pense que bientôt je ne serai plus là.» Bref, ce n’est pas la panacée, mais ça peut servir... Pour sa part, la clause de non-concurrence n’empêchera personne de démissionner, mais évitera que le partant ne s’installe... en face ! Enfin, avec l’arrivée du Contrat Nouvelles Embauches, on pouvait craindre que le zapping aille en s’accentuant. Car dans sa mouture initiale, si l’employeur était obligé de respecter un -petit- préavis avant de rompre le contrat, ce n’était en revanche pas le cas du salarié, qui pouvait partir du jour au lendemain si ça lui chantait! D’où la réticence de certains employeurs à utiliser ce nouveau contrat. Les choses ont évolué et il est possible d’inclure dans le CNE un préavis pour le salarié aussi.

UNE IMPLICATION ACCRUE
Pour tenter de retenir les collaborateurs, la profession en est pour l’instant au stade de la réflexion. On note toutefois des initiatives de-ci, de-là. «Nous réfléchissons à des formations connotées «maison», un peu comme on voyait dans l’industrie des «ingénieurs Renault», très marqués par une culture d’entreprise», confie Michèle Duval. Pour Bernard Dichamp, directeur de la marque Sergio Bossi, «le métier est en pleine mutation, il faut parler aux gens plan de carrière et évolution.» Bien sûr, tout ceci est plus facile dans un groupe. Mais pas seulement. Certaines dispositions sont tout à fait adaptables dans les salons indépendants. «Certains viennent me voir car dans le salon où ils travaillaient ils n’avaient aucune responsabilité. On peut nommer un salarié responsable de la gestion du stock et des relations avec les fournisseurs», explique Stéphane Auger. D’autres peuvent s’investir dans la formation des juniors, ou devenir le «bras droit» du manager. Une implication accrue qui peut être rémunérée sous forme de primes ou de souplesse dans l’emploi du temps. «Parfois, certains veulent des responsabilités accrues qui impliquent de faire plus d’heures : on peut alors leur permettre, pendant les moments creux, de prendre une demi-journée», reprend Stéphane Auger. L’artistique est une piste aussi, du moins pour les salons qui organisent des manifestations dans leur ville... Et puis, au moment de l’embauche d’un confirmé, rien n’empêche d’être attentif à cet aspect des choses : «un collaborateur-zappeur, on le voit sur son CV», souligne Bernard Dichamp, tout en concluant : «il ne faut surtout pas que ces aléas nous dissuadent de faire de la formation !» ■

LAURENT ET CAROLE VOISINET, 3 SALONS À TOURS

«Anticiper»
«L’idée pour nous est d’essayer d’anticiper en faisant exprimer leurs ambitions aux salariés. Dans la limite, bien sûr, de ce que nous pouvons leur proposer. Un jeune qui a préparé son BP chez nous et est resté 5 ans avait envie de gérer une équipe, c’est lui que nous avons nommé responsable du troisième salon. Comme on fait nos propres photos, on propose à ceux qui ont plutôt envie de développer l’artistique de participer aux prises de vues. Certains sont «co-managers», et reçoivent une prime pour les jours où ils ont dû gérer le salon. Ils ont aussi la possibilité de participer à la formation des jeunes en BP...»

TEMOIGNAGES

YOLANDE URBANO (SALON «YOLANDE URBANO» À PARIS 15ÈME)

«Changer la loi»
«Je trouve qu’on sent un manque de motivation et d’effort. Je forme mes employées moi-même : certaines prennent un maximum... puis disparaissent.
Je pense qu’il y a un dysfonctionnement au niveau des lois : certaines de mes clientes, qui sont haut-fonctionnaires, m’ont expliqué comment ça marchait dans le secteur public. Elles doivent un certain nombre d’années à l’Etat, en compensation de leurs études. Elles s’étonnent elles-mêmes et me demandent : pourquoi n’existe-t-il pas, dans vos métiers, un contrat par lequel le salarié aurait des comptes à rendre après formation ? Il faudrait aussi réhabiliter notre profession : ma fille était presque gênée de me voir coiffeuse après diffusion, dans son école, d’un reportage montrant la coiffure comme un bon débouché pour ceux qui échouent en classe...»

ZOOM SUR DEUX CLAUSES
La clause de dédit-formation oblige le salarié, en cas de démission suivant une formation, à rembourser les frais avancés. «Attention ! c’est assez cadré», souligne-t-on à la FNCF. Elle peut s’appliquer :
- à des formations d’un prix plutôt élevé, qui offrent une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise (exemple type : les extensions). Mais pas à un stage de coupe basique.
- en aucun cas au DIF, qui est un droit du salarié.
«Auparavant on pouvait l’inclure une fois pour toutes dans le contrat de travail», précisent Théodore Karathanassis et Céline Maurin, juristes à l’Union Régionale Coiffure Ile-de-France. «Désormais, à chaque envoi en formation, il faut refaire un document qui détaille tout : type de formation, coût...» Un peu lourd à gérer, mais ça a l’avantage de permettre à un employeur qui n’aurait pas inclus de clause de dédit-formation dans le contrat initial d’y avoir recours. Plus le départ du salarié est proche de la formation, plus le taux de remboursement du stage sera élevé.
La clause de non-concurrence permet de «limiter les dégâts» en empêchant le salarié démissionnaire de s’installer ou de se faire embaucher à proximité du salon. Pour être valable, elle sera :
- limitée dans le temps (12 mois maximum).
- limitée dans l’espace. Le périmètre dépend de la densité de population, bien sûr il est plus petit à Paris qu’en rase campagne ! 
- rémunérée. Pendant le contrat de travail (4 % du minimum conventionnel à partir du 7ème mois) ou après sa rupture (6 % pendant maximum une année). Les juristes conseillent souvent de choisir cette deuxième formule: elle revient moins cher et l’employeur peut y renoncer, par exemple si le salarié part à l’autre bout de la France et qu’il n’a donc rien à craindre.
Au final, en cas de litige, l’interprétation sur la portée de ces clauses est du ressort des Prud’hommes.