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La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com

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L' équipe de la rédaction de L' ECLAIREUR composée de  Brice Thiron, Florence Baumann assisté de l' éditeur Christian GUY ainsi que d' autres contributeurs occasionnels ont  réuni les archives de L'ECLAIREUR,  Vous bénéficiez ainsi de plus de 75 ans d' expérience de la coiffure cumulées par nos équipes,  lesquelles ont interviewé  les plus grands professionnels,  dans tous les métiers.

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12 janvier 2011

J' entend assez souvent l ici ou là es coiffeurs patrons critiquer la formation initiale en coiffure.. Mais que lui reproche t on exactement? Y a t il des remèdes à apporter..? Merci

Selon les professionnels que nous interrogeons, elle serait inadaptée, déconnectée des réalités commerciales, de niveau insuffisant en gestion, la part de rêve en serait absente… La formation initiale des coiffeurs ne fait pas l’unanimité, c’est le moins que l’on puisse dire !

En fait, l’une des principales critiques des coiffeurs vis-à-vis de la formation initiale, c’est sa déconnexion d’avec les réalités du métier. « On leur enseigne comme il y a 20 ans », « Les techniques de coupe ne sont pas commerciales », « Je leur réapprends tout en salon »… sont des phrases que l’on entend chaque jour. Du côté des centres de formation, on l’admet sans peine, et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Marilyn Datin est formatrice coiffure en CAP et BP à l’Institut de formation et de perfectionnement aux métiers (IFPM) : « Selon le référentiel, la permanente se fait en direct (on enroule et on applique le produit en même temps), ce qui oblige à porter des gants ; en salon, les rares permanentes que l’on réalise sont indirectes, explique-t-elle. En CAP, les mèches ne font pas partie du référentiel, qui comprend juste l’application d’une coloration, alors que c’est un service courant. » En BP, le rasage est abordé en technologie, à l’écrit, mais jamais en pratique. Mais Bernard Moreau, président de la Fédération de la coiffure de Midi-Pyrénées, renvoie la balle aux coiffeurs, soulignant leur responsabilité dans la formation pratique des jeunes, « surtout pour ceux qui sont en CFA, qui passent finalement bien plus de temps en entreprise qu’en centre de formation ».
Le BP n’est pas suffisant pour préparer au métier de chef d’entreprise, le constat fait l’unanimité parmi les professionnels et le monde enseignant : toute la partie gestion et législation n’est pas assez « musclée ». Pour pallier ce manque, un diplôme de niveau III, le BM III, a été créé à l’automne dernier sous l’impulsion de la Fédération nationale de la coiffure (FNC), avec des enseignements dispensés dans les Chambres des métiers. Il démarre doucement, et pour l’instant rassemble surtout des professionnels affichant plusieurs années d’exercice, qui le préparent donc en formation continue. « Ce ne sont que les prémices, rassure Bernard Moreau. L’idée est de le proposer aussi en formation initiale. » Un autre projet de diplôme de niveau III, un BTS coiffure, soutenu par le CNEC (Conseil national des entreprises de coiffure), n’est pas encore mis en œuvre.

UNE ÉVOLUTION… LENTE
Les choses bougent tout de même. Depuis peu, le CAP intègre une épreuve centrée sur la communication. Et un BP unique va bientôt remplacer les deux options « styliste-visagiste » et « coloriste-permanentiste ». Mais si cette réforme est décidée, difficile en revanche de savoir quand elle entrera en vigueur. C’est le problème de la lourdeur des procédures nécessaires pour faire évoluer les référentiels des examens : elles durent plusieurs années, alors que la coiffure, métier de mode, bouge sans cesse. Le temps de l’Education nationale n’est malheureusement pas le même que celui de la profession. Et face aux critiques récurrentes qui touchent les professeurs de coiffure, Bruno Mariette, directeur de l’IFPM, monte au créneau : « Chaque jour, je reçois des CV de coiffeurs qui veulent changer de vie et, parce qu’ils ont eu des apprentis, souhaitent devenir enseignants : quand ils viennent sur place, ils réalisent que ce n’est pas facile d’avoir 30 ados en face de soi, et certains renoncent. » D’autant que l’école ne vit pas coupée de la société : les problèmes de zapping, de comportement ne sont souvent qu’une transcription de ce qui se passe à l’extérieur.
Au fond, quelle est la valeur de ces diplômes de coiffure ? De l’avis de certains, CAP et BP ne sont pas très compliqués à réussir en ce moment. Une question de notation, de focus mis sur les pratiques plutôt que sur le résultat. « J’ai été jury de CAP, explique par exemple Sébastien Mondot (salon « Sébastien Mondot » à Blois), mais j’ai arrêté : ce n’était pas assez précis, un peu galvaudé. » « Le ”contrôle en cours de formation”, qui consiste à évaluer les élèves à différents moments de l’année, n’est pas forcément une mauvaise chose, poursuit Martine Saint-Dizier, directrice du CFA Ambroise-Croisat. Mais il doit être ”cadré”, pour éviter toute dévalorisation des diplômes. »

INITIATIVES LOCALES
Sur le terrain, des initiatives se mettent en place en direction des jeunes. L’IFPM a lancé, voici 2 ans, une formation de BP Manager Styliste-coloriste, qui intègre aussi quelques heures de maquillage. A la tête de Coiffeur en France Rhône, Xavier Thiollière organise, tous les 15 jours, des ateliers qui réunissent des jeunes en formation, centrés à chaque fois sur un thème différent : la coupe, le chignon ou la revente. « On prend le temps de communiquer avec eux, on leur explique ce qui ne va pas. Ces ateliers sont axés sur le développement personnel, avec beaucoup de prises de parole, de dialogues », détaille-t-il. En Haute-Garonne, Bernard Moreau travaille en partenariat avec les conseillers d’orientation et souhaite appliquer lors des « journées découverte » du CFA Jasmin la « méthode de recrutement par simulation » développée par Pôle Emploi, ciblée sur les qualités mentales et manuelles nécessaires pour exercer une profession. Objectif : éviter les erreurs d’orientation. De toute façon, « le diplôme garantit qu’un minimum de compétences sont acquises », souligne la directrice du CFA Ambroise-Croisat. Rien de plus, rien de moins. Et si, au fond, la solution était de n’exiger de la formation initiale… que ce qu’elle peut offrir : une préparation aux examens, un focus sur les bases classiques. Une étape nécessaire, mais pas forcément suffisante, donc, pour devenir coiffeur.



« UN FORMATEUR DOIT AVOIR UN SALON, OU AU MOINS CONTINUER À SE FORMER »
Xavier Thiollière (coiffeur à Lyon et responsable de Coiffeur en France Rhône)
«Je ne veux pas faire de généralités, mais je trouve que certains profs de coiffure apprennent encore à couper comme on le leur avait enseigné à leurs débuts, par exemple pour la façon de se servir des outils. Il faut aussi se poser des questions sur le recrutement des enseignants. Pour moi, un formateur doit avoir un salon, ou au moins continuer à se former lui-même. J’ai également remarqué que dans les centres de formation, pas grand-chose n’est enseigné en termes d’ergonomie : comment se positionner, tenir les outils, pour éviter les TMS… On n’explique pas non plus assez aux élèves pourquoi ils obtiennent telle ou telle note. Cela dit, l’école ne peut pas tout faire non plus. J’ai été jury d’examen, je suis à la commission de contrôle d’une école de coiffure de Lyon, je sais que les centres de formation doivent aller à l’essentiel : le référentiel en vue de l’examen. »



« DES JEUNES BIEN ÉLOIGNÉS DES EXIGENCES DES MÉTIERS DE SERVICE »
Bruno Mariette (directeur de l’Institut de formation et de perfectionnement aux métiers,)
«Je sais que les employeurs critiquent le décalage entre le contenu de l’enseignement et les produits, techniques, outils actuels qui évoluent sans cesse. Mais nous sommes dépendants des référentiels, qui sont conçus pour plusieurs années. A l’IFPM, on essaie au maximum de coller à la réalité, mais on a un temps donné pour faire le programme, et on n’a pas le temps d’intégrer en plus toutes les évolutions. N’oublions pas que les jeunes ne sont là que 3 jours tous les 15 jours ! Question comportement, les jeunes qui nous arrivent du collège sont bien loin des exigences habituelles des métiers de services. Nous les obligeons à porter une tenue professionnelle en cours, à dire bonjour, sourire, à ne pas jeter les papiers par terre… Une majorité rentre dans le moule au bout de 5-6 mois. J’ajouterai que certains points qui posent problème -comme la culture du zapping, une tendance à passer à autre chose à la moindre difficulté- se retrouvent aussi chez leurs parents. »



« ON NE FAIT PAS RÊVER LES JEUNES ! »
Sébastien Mondot (coiffeur à Blois et vice-président de la Fondation Guillaume)
«Je trouve que la formation est trop classique, qu’elle n’est plus adaptée à notre époque. On me répond que les jeunes doivent apprendre les bases… mais quand même ! Mais je reconnais que le BP s’est modernisé. Seulement côté gestion, les 4 ans de formation ne suffisent pas pour devenir un vrai chef d’entreprise. Le grand reproche que je ferais aux centres de formation, c’est qu’on n’y fait pas rêver les jeunes. Au départ, beaucoup sont attirés par le côté passionnant de la coiffure, et je trouve que les CFA devraient les emmener voir des shows, participer à des concours. Récemment, un concours a été organisé à Limoges, et les deux seules inscrites venant de Blois, c’étaient mes deux apprenties ! Le CFA rejette la faute sur les jeunes en disant qu’ils ne sont pas motivés, surtout pour tout ce qui se passe le dimanche… mais j’estime que les concours et les shows, ce devrait être obligatoire dans la formation ! On essaie donc, avec la Fondation Guillaume et Intercoiffure France, de redonner envie aux jeunes. »



« LA FORMATION TECHNIQUE, C’EST AVANT TOUT L’AFFAIRE DU MAÎTRE D’APPRENTISSAGE »
Bernard Moreau (président de la Fédération de la coiffure de Midi-Pyrénées, vice-président des établissements de formation de la FNC)
«Actuellement, les résultats des examens du CAP sont excellents, alors que pour nous, professionnels, le niveau est très faible. Le souci, c’est la notation : à l’examen, on donne plus d’importance au respect des règles qu’à la qualité du travail (qui a nettement baissé) ; de plus, dans beaucoup d’endroits, on privilégie le ”contrôle en cours de formation”, qui consiste à évaluer le jeune en plusieurs fois, tout au long de l’année et au salon. Le problème, c’est qu’il faut environ 5 ans pour faire évoluer un référentiel d’examen, alors que dans la coiffure, on lance 2 collections par an : quand un référentiel sort, certaines prestations seraient déjà à revoir ! Mais dans le cas des jeunes venant des CFA, je rappelle quand même que la formation technique, c’est avant tout du ressort du maître d’apprentissage ! L’apprentissage est largement aidé par les conseils généraux : quand on prend un apprenti, c’est pour le former, pas pour bénéficier d’un salarié bon marché. »



« POUR MOI, L’ÉCOLE, ÇA SERT À PASSER LES DIPLÔMES NÉCESSAIRES, POINT »
Cyril Hohl (salons « City Art » à Thionville et « Avant-garde » au Luxembourg)
«Mes équipes sont presque entièrement constituées de jeunes. Je suis obligé de faire en salon des formations coplémentaires, car les examens reposent sur des notions beaucoup plus traditionnelles, assez ”has been” sur le plan commercial. On a besoin des bases classiques, c’est vrai, mais cela ne motive pas les jeunes. C’est aussi cela notre rôle de patron : donner envie, faire rêver… Les jeunes qui viennent au salon, je les emmène sur toutes mes activités extérieures : shootings, défilés, travail en studio. C’est le seul moyen d’en obtenir quelque chose. Notre mission, aussi, c’est de leur inculquer le bon comportement, car question maturité, nous avons affaire aujourd’hui à de grands bébés ! »



« LE RÉFÉRENTIEL DES EXAMENS EST AUSSI ÉLABORÉ PAR DES REPRÉSENTANTS DE LA PROFESSION… »
Martine Saint-Dizier (directrice du CFA Ambroise-Croisat, Paris 18ème)
«Le CAP vient d’évoluer : dans la ”nouvelle mouture”, dont le premier diplôme a été délivré en juin 2009, les jeunes ont passé une épreuve de communication, destinée à évaluer leur façon d’accueillir le client, de détecter et reformuler ses besoins. Quant au BP, il doit bientôt se transformer : les 2 options (”styliste-visagiste” et ”coloriste-permanentiste”) vont fusionner pour devenir un unique BP, pour plus de polyvalence. On juge le référentiel parfois déconnecté de la réalité ? Je rappelle qu’il est élaboré dans des commissions paritaires consultatives (CPC) qui réunissent des membres de l’Education nationale, mais aussi des représentants de la profession. »