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La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com

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L' équipe de la rédaction de L' ECLAIREUR composée de  Brice Thiron, Florence Baumann assisté de l' éditeur Christian GUY ainsi que d' autres contributeurs occasionnels ont  réuni les archives de L'ECLAIREUR,  Vous bénéficiez ainsi de plus de 75 ans d' expérience de la coiffure cumulées par nos équipes,  lesquelles ont interviewé  les plus grands professionnels,  dans tous les métiers.

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26 février 2011

Comment gérer le premier contact physique avec la cliente ?

Pour un coiffeur, le geste professionnel le plus important consiste-t-il à maîtriser son coup de ciseaux, à appliquer correctement la couleur ou à bien coiffer ? N’en déplaise aux puristes, ce qui compte, c’est le premier contact physique !La maîtrise technique du coiffeur n’est finalement pas au cœur de la perception de son professionnalisme par les clients, malgré ce que certaines de leurs déclarations pourraient laisser penser. Elle n’est qu’un prérequis, le minimum vital qu’ils attendent en franchissant la porte d’un salon. Le plus important, pour eux, c’est la façon qu’a le coiffeur de les accueillir, sa gestuelle, sa manière de positionner son corps, ses paroles, ses attitudes et, finalement, le fameux premier « contact physique ».

1 - L’ART DE PÉNÉTRER LA BULLE PERSONNELLE
« Qui vous touche et, surtout, qui est autorisé à vous toucher les cheveux ? interroge Jacques Fournillon, directeur artistique de Wella France. Ce geste est très intime. Beaucoup trop de coiffeurs en négligent l’importance, et l’amorcent sans précautions particulières ou sans même y penser, au risque de braquer la cliente. Il s’agit d’un geste fort. Dans mon salon, j’ai toujours demandé l’autorisation à la cliente, explicitement, en l’interrogeant directement, avant de franchir le pas. »
Et ce toucher si décisif doit toujours être précédé par une bonne entrée en relation, car bulle personnelle et perception du contact varient énormément d’une personne à l’autre et selon les cultures. De façon classique, on gardera plus ses distances en Europe du Nord qu’en Europe du Sud. Aucune recette ne s’applique à tous les cas existants, d’où l’importance, pour le coiffeur, d’évaluer correctement la situation avant de passer à l’acte. Il existe malgré tout quelques repères : en deçà de 50 cm, nous sommes clairement dans la « bulle intime », qui ne se franchit qu’après être passé progressivement de la distance sociale (plus d’un mètre) à la distance personnelle (entre 50 cm et un mètre).

2 - LE BON TIMING DU CONTACT PHYSIQUE
Ainsi, ceux qui sont trop directs prennent un risque. Certains assument cette approche volontaire et intrusive et choisissent de forcer le passage. Leur objectif est de créer un lien le plus rapidement possible et d’affirmer leur position de professionnel sûr de soi et efficace… Une méthode agressive, très « années 80 », qui n’est plus trop à l’ordre du jour et fait perdre pied à nombre de personnes qui, si elles sont prêtes à se laisser guider par un expert, ne désirent pas pour autant qu’on brûle les étapes ! « J’essaie d’en venir rapidement au contact physique », explique Stéphane Amaru. Néanmoins, il nuance fortement son propos : « Mais pas trop vite ! Et sans oublier de passer, au préalable, par plusieurs phases. Pour commencer, on se tient prêt bien avant l’entrée de la cliente dans le salon ! Il faut avoir envie d’être là, de travailler avec le sourire en laissant ses émotions négatives à la maison, d’établir une relation avec la cliente avant même qu’elle ait franchi la porte. Ensuite, lors de la poignée de mains, qui est le premier contact physique, je la regarde bien dans les yeux. Il s’agit de construire la confiance ; le dialogue s’instaure pendant que le professionnel prête attention aux mots et aux attitudes clés et que les corps se synchronisent. » Ces 5 minutes (ou plus) s’avèrent cruciales pour créer un lien fidélisant au lieu de se contenter de vendre une prestation basique le jour J. C’est le b.a.-ba du commerce, mais ici, on doit faire face à une difficulté supplémentaire : toucher le client est une obligation, transformer son apparence physique, un métier !

3 - BIEN DOSER LE CONTACT
Difficile, pour une relation comme celle-là, qui doit se construire en un temps record, de trouver un élément plus décisif que ce toucher. « Pour la cliente, la première peur, ce n’est pas d’avoir à payer un prix élevé pour les prestations, mais c’est pourtant là-dessus que nous nous focalisons, déplore Thierry Tixier, directeur technico-artistique chez Eugène Perma. En fait, elle arrive au salon en appréhendant d’en ressortir avec une coiffure ratée. Elle a besoin d’éprouver un sentiment de sécurité dès son entrée. Le fait de poser la main sur son épaule l’apaisera et nous ”rapprochera” de sa tête, nous aidant à percevoir d’éventuelles tensions. » Un geste très personnel mais pas trop intime, sans artifice, un échange de regards et un dialogue l’ayant précédé. Le langage du corps et des émotions est des plus difficiles à contrôler et, à plus forte raison, à rectifier. Et si le discours contribue pour sa part à créer un lien, son avantage doit être relativisé : dans l’impression qu’on laisse à l’autre, moins de 10% passe par le langage et plus de 50% par le corps ; qu’on en ait conscience ou non, c’est une réalité. « Il y a plusieurs niveaux d’action pour fidéliser quelqu’un, détaille Jacques Fournillon. Le ”normal” consiste à faire son travail et à accueillir correctement la cliente, sans plus ; le ”normal sup”, à lui servir par exemple un café ; le ”sup’ supérieur”, enfin, à lui offrir ce qu’elle n’attend pas ! Les conseils et l’accompagnement à l’occasion d’un changement de coiffure s’avèrent capitaux, mais tout commence par ce fameux premier contact physique… » Et Stéphane Amaru d’insister : « Les clients ne changent pas forcément de coiffeur parce que le leur est mauvais. Cela peut paraître injuste, mais les à-côtés comptent énormément. L’accueil véritable et ”l’empaquetage” dès l’entrée dans le salon nécessitent de casser les barrières psychologiques et physiques. En revanche, il n’y a pas de technique unique. Savoir mener une discussion, utiliser l’humour ou ”l’approche physique” forment la base de cette démarche. Je me rapproche de l’épaule, mais pas trop du dos, et j’observe les réactions de la femme par rapport à la distance que j’ai adoptée. » Tout tient à l’équilibre de la relation, savant dosage entre l’intime et une distance purement professionnelle. Au final, sans être totalement désinhibé, au risque de braquer la cliente (il faut garder sans cesse en tête que le cheveu est aussi intime que le corps, mais qu’on en a plus difficilement conscience), le coiffeur doit utiliser le contact physique avec des gestes aussi précis que lorsqu’il manie les ciseaux. Il peut donc improviser mais, là aussi, la technique de base est indispensable ! Et le toucher doit être naturel, pas forcé, afin de créer une intimité sans provoquer de la gêne. Un art d’équilibriste.

 

TEMOIGNAGES

Et les clients, qu’en pensent-ils ? Interrogés sur leur rapport au coiffeur, ils ont parfois des réponses surprenantes.
Les hommes citent à égalité leur blocage au niveau du contact physique et le peu de cas qu’ils font d’une bonne coupe de cheveux, leur refus de payer pour un geste à leurs yeux purement « hygiénique ». Les femmes ont un rapport plus complexe à la coiffure. Nombreuses sont celles qui osent se laisser aller à la sensualité du contact, et l’assument ; mais elles se bloquent aussi de plus en plus, considérant comme gênante l’intrusion dans leur « intimité capillaire ». On communique à outrance, on dévoile tout de sa vie sur son compte Facebook ou sur son téléphone, mais on a des difficultés croissantes à gérer un contact physique toujours plus ritualisé, ce qui fait le bonheur des psys : bienvenue dans un monde de névrosés exhibitionnistes !


UN PARCOURS TRÈS ÉMOTIONNEL
Lors de formations qu’il anime, Thierry Tixier exhorte souvent les coiffeurs à faire preuve de plus d’empathie envers les clientes, à essayer de comprendre ce qu’elles ressentent dans un environnement qui ne leur est pas familier.
Elles peuvent ainsi être plongées dans un état émotionnel intense tout au long de la prestation. Le stress est en effet à son maximum à plusieurs moments clés, et d’abord lors du franchissement de la porte du salon, d’où l’importance des premiers gestes du professionnel pour éviter les dérapages et faire baisser la tension. Pour autant, la partie n’est pas encore gagnée, car un accès émotif peut survenir avant la prestation et un bon pic juste après, sans oublier une nouvelle montée d’adrénaline… lors du passage à la caisse. Toutes ces étapes doivent être prises en compte et les difficultés aplanies autant que possible (par le dialogue, l’accompagnement et les petites attentions, comme le fait d’offrir une boisson), aussi bien pour s’assurer du bon déroulement de la prestation que pour marquer positivement la cliente et la fidéliser.