Au-delà des demandes de jeunes femmes pour des blonds très clairs, de plus en plus de seniors font le choix de garder leurs cheveux blancs. Une orientation pas si évidente que le coiffeur peut accompagner, voire sublimer.
Déjà considérés comme une cible prioritaire – même si le jeunisme reste la norme dans la mode –, les seniors, surtout les femmes, changent. L’arrêt total de la coloration pour une transition vers un blanc plus ou moins naturel est certes marginal, mais il marque un réel courant à ne pas négliger. Et ce, d’autant que même les jeunes jouent de plus en plus des blonds clairs presque blancs. La pandémie et les confinements ont permis à certaines de franchir le pas, explique Irène Martinez, responsable Ask Académie chez Schwarzkopf Professional : « Elles assument, certes, mais encore faut-il gérer la transformation… »
Gérer la transition et couper
Et de poursuivre : « On peut évidemment laisser pousser avec des longueurs et des pointes colorées, mais avec un rendu qui n’est pas terrible ! D’autant qu’en coupant progressivement, il faut prévoir environ deux ans à porter des démarcations fortes. Le coiffeur a heureusement d’autres solutions à proposer. » La plus simple ? Une coupe radicale, telle que vue chez nombre de business women et popularisée par une Meryl Streep sexy et élégante, mais aussi Françoise Hardy ou la directrice du FMI Christine Lagarde. L’ancienne directrice générale de L’Oréal Produits Professionnels, Nathalie Roos, arbore aussi une chevelure blanche au coiffage impeccable. « Je leur mets le deal en main, explique de son côté Ludovic Geheniaux, ambassadeur Wella Professionals. Comme pour les plus jeunes qui vont vers des blonds très clairs, j’explique que c’est un choix radical, qu’il faut l’assumer et assurer un entretien impeccable. Cela passe déjà par une coupe franche. J’insiste dès le début sur les mauvais côtés. Cela permet de voir rapidement celles qui sont motivées. » Et Grégory Le Hir, responsable coloration de la Biosthétique, d’insister : « Des longueurs abîmées, ce n’est pas beau. Avec les colorations d’oxydations, elles seront ternes après le décapage. » Pour Sabine Missonnier, responsable du développement de formation pour L’Oréal Professionnel : « L’éclaircissement des pointes colorées est possible pour se rapprocher du poivre et sel, mais le démaquillage est un travail délicat, on ne peut passer à côté d’une bonne coupe des longueurs. En prime, cela facilite le soin des cheveux. » Il ne faut pas hésiter par ailleurs à jouer sur quelques mèches tests avant de se lancer.
Retravailler une partie de la chevelure
Un effet balayage serré et fin en éclaircissement vers un blond clair polaire de la chevelure : « Un effet plus fondu mais minutieux, techniquement parlant, explique Irène Martinez. Qui nécessitera plus d’entretien et à finaliser avec un vernis de neutralisation. Tout dépend du pourcentage de cheveux blancs. On peut aussi foncer quelques mèches pour donner du relief et casser la démarcation. » Éclaircissement d’un côté, mèches foncées de l’autre : un balayage inversé, éventuellement associé à un travail en racine, atténue les transitions. Ce travail devient subtil et pointu et… doit être facturé en conséquence, ce qui n’est pas la démarche de la majorité des femmes qui s’engagent sur cette voie et dépendra énormément de la qualité du cheveu. « Je refuse généralement cette démarche ; sur cheveux longs, il y a 15 heures de boulot ! », tranche Ludovic Geheniaux, échaudé par des demandes très techniques – même s’il les maîtrise –, dont il connaît surtout le temps nécessaire à la réalisation et le tarif à appliquer. « Puis on nuance les blancs, on les crée, on apporte des tons plus froids sur des mèches très fines en se concentrant sur la zone frontale. » Quant aux reflets métalliques, s’il les pratique, c’est essentiellement sur les plus jeunes. Grégory Le Hir, de son côté, aime proposer ces reflets acier ou anthracites à des femmes plus matures. Dans tous les cas, l’essentiel est de proposer une chevelure plus homogène mais aussi avec un meilleur relief, faussement naturel ou volontairement sophistiqué.
Entretien obligatoire pendant et après
Avec ou sans décapage, avec ou sans coupe, les cheveux blancs demandent de l’entretien pour être beaux. Par nature plus ternes et secs, il faut les nourrir. De même, leur tendance naturelle à jaunir implique d’utiliser régulièrement des shampooings déjaunisseurs. « Pour être beau, un gris doit être nickel, insiste Ludovic Geheniaux, d’autant que, comme pour les blondes, le regard des autres est plus intense. Outre le fait d’avoir la personnalité affirmée qui va avec, il faut tout simplement en prendre énormément soin. » D’autant que l’on parle de femmes qui sont encore engagées, dans les relations sociales et professionnelles mais aussi dans la séduction ! La suite dépend de la qualité du travail réalisé : bâclé, il ne sera en rien rattrapé par la patine ; s’il est bien travaillé, la question des shampooings déjaunisseurs sera a contrario moins importante. « Autre point que l’on oublie parfois chez les femmes très actives, le sport, prévient Ludovic Geheniaux. Avec un lavage trop fréquent, attention à l’état du cheveu et de la coloration. » Déjaunisseur, ton sur ton pour retravailler les reflets… une chevelure blanche nécessite un vrai suivi, des choix et une expertise, y compris chez les hommes d’ailleurs, pour personnaliser, embellir, donner du relief, atténuer certains effets indésirables. Irène Martinez prévient cependant : « La clientèle cheveux blancs n’aime pas trop parler coloration, ni entretien. Pourtant au minimum ce dernier est nécessaire pour hydrater, nourrir, apporter de la brillance et discipliner, enfin neutraliser les reflets, car le jaunissement est naturel sur les cheveux blancs. » Et de rappeler que si nos grands-mères ne se coloraient pas les cheveux, elles en prenaient soin ! Là encore, la coloration sécurise le résultat, estiment les techniciens, car correctement réalisée, l’entretien devient minime. Au-delà du soin de la chevelure, Grégory Le Hir rappelle un autre point : « C’est aussi le style vestimentaire et le maquillage qui devront évoluer pour montrer le choix d’un style et non un look négligé dans lequel l’on s’abandonnerait. » Le bon choix des techniques permet de jouer des reflets dans une logique de ton sur ton, sans entretien, avec une atténuation naturelle sans effet racine ni sensibilisation. Et si les femmes sont désormais intéressées, ce sont les hommes les plus concernés, eux qui gardent depuis longtemps les cheveux grisonnants. Et Sabine Missonnier d’insister à son tour sur les services entretien : « C’est la vraie priorité pour un beau rendu, le cheveu blanc change de nature et pour être beau, des gloss et des services acides associés à des déjaunisseurs sont la base. » L’entretien dépendra aussi tout simplement du dialogue initial : va-t-on juste vers une envie de lâcher la coloration et toute technique et contrainte, ou est-ce une volonté d’aller vers des looks forts et sophistiqués, voire très classes ? Le service comme l’entretien en dépendent
La silver économie
D’ici 2030, 20 millions de Français auront plus de 60 ans, ils sont déjà 15 millions aujourd’hui. Si leur pouvoir d’achat baisse, les seniors restent des moteurs de la consommations loisir, alimentation, santé et aussi désormais beauté, surtout chez les jeunes seniors de 50 à 65 ans. Une population très active, même et surtout ceux qui viennent d’atteindre la retraite et qui disposent encore d’un bon pouvoir d’achat tout en ayant plus de temps disponible. Près de neuf personnes de plus de 60 ans sur dix pratiquent une activité physique régulière et prennent soin d’elles. Au-delà des milliers de créations d’emplois d’aide à domicile, qui concernent plutôt les plus de 70 ans, les jeunes seniors eux sont hyperactifs et clients de tous les services et loisirs représentant la clientèle majoritaire en termes de chiffre d’affaires ; depuis dix ans, ils incarnent plus de 50 % de la consommation globale.
