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La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com

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L' équipe de la rédaction de L' ECLAIREUR composée de  Brice Thiron, Florence Baumann assisté de l' éditeur Christian GUY ainsi que d' autres contributeurs occasionnels ont  réuni les archives de L'ECLAIREUR,  Vous bénéficiez ainsi de plus de 75 ans d' expérience de la coiffure cumulées par nos équipes,  lesquelles ont interviewé  les plus grands professionnels,  dans tous les métiers.

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06 mars 2011

Transmettre son salon à son enfant ?

Il n’est pas rare d’être coiffeur de père -ou mère- en fils -ou fille. Entre complicité et conception divergente du métier, les choses ne sont pas toujours simples. Une partie délicate à jouer !A priori, cela semble une évolution naturelle. Fils ou fille de coiffeur, on a toujours baigné dans l’univers ; on connaît, quelque part, le métier et ses ficelles. éventuellement, on peut hériter d’un salon. Et pourtant…
Déjà, se former dans la famille n’a rien, généralement, d’une sinécure. Dans un bel ensemble, nos interlocuteurs se rejoignent pour souligner que les parents se montraient tout autant voire plus exigeants avec leur rejeton qu’avec les autres. Représentant la quatrième génération de coiffeurs de sa famille, Arno Goetz (salon « Rive droite » à Annecy) a fait sa formation dans l’école privée où enseignait son père : « Pendant 2 ans, j’ai dû le vouvoyer. » « Avec le recul, si mes filles souhaitent entrer dans la coiffure, je leur ferai faire leur apprentissage ailleurs, quitte à ce qu’elles me rejoignent par la suite », juge quant à lui François Piazza (salon « Sévigné » à Montigny-les-Metz), ex-apprenti chez ses parents.
LA BONNE DISTANCE
Parfois, le père semble plus exigeant, plus « dur » que la mère qui, elle, joue un rôle de protection. Parfois, c’est le contraire. En tout cas, lorsque la conception du métier n’est pas la même, les choses deviennent vite compliquées. Il arrive que des années après, le dialogue demeure difficile.
Bien sûr, grandir dans un milieu d’artisans imprègne d’une certaine culture du service, qui reste à acquérir pour ceux qui viennent d’une autre sphère.  « L’éducation que j’ai reçue de la part de parents artisans coiffeurs m’a permis d’avoir un regard différent sur notre société, du respect, une écoute des anciens comme des plus jeunes, souligne ainsi Arno Goetz. Autant de valeurs que je retransmets aux apprentis. »
Mais entre admiration pour les parents et désir de trouver sa voie, le chemin peut être escarpé pour les héritiers. « Contrairement à ce que l’on croit souvent, il ne suffit pas de mettre ses pieds dans les pantoufles, avertit Hervé Weber (Strasbourg),  surtout lorsque le salon a un positionnement assez haut de gamme ». D’autant que la coiffure touche à l’apparence, que chacun l’interprète selon son vécu, sa personnalité…
Pour ceux qui reprennent l’affaire familiale, aux problématiques classiques de reprise d’entreprise se superpose la question de la distance à prendre par rapport aux parents. Il est judicieux, pour asseoir sa légitimité, de partir faire ses armes ailleurs. Même quelque temps. Stages dans d’autres salons, départ à Paris, voire à l’étranger… Tout est bon pour s’affirmer et se faire un prénom. Car il faut faire face à une clientèle, mais aussi à des collaborateurs « hérités » du passé, et faire évoluer les choses en douceur. D’ailleurs, il est fréquent qu’au fil des ans, les salariés de « l’ancien » salon décident d’aller « faire leur vie » ailleurs.
« BORDER » LE JURIDIQUE
Important : lorsque l’un de ses enfants semble avoir attrapé le virus du métier, il faut songer à préparer la succession assez en amont. « Mon père est décédé jeune, il n’a pas eu le temps de s’occuper de toutes ces questions, déclare Hervé Weber. Cela s’est donc réglé dans le cadre d’une succession « normale », avec à la clé d’importants droits à payer. Cela dit, je suis fils unique, ce qui a « facilité » les choses. » Pour éviter ces aléas, l’idéal est d’en parler assez vite avec le comptable, le conseil juridique ou le notaire. Chaque cas est particulier, selon que le salon est en société ou en entreprise individuelle, que la famille compte plusieurs enfants ou un seul… Parfois, un seul enfant a une vocation de coiffeur, les autres exerçant des métiers différents mais souhaitant rester impliqués dans l’entreprise. Certaines formules comme la holding familiale peuvent alors se révéler intéressantes. « En tout cas, il ne faut surtout pas reprendre le flambeau juste parce qu’une affaire est là, avertit Hervé Weber. Car c’est courir à l’échec. »

TEMOIGNAGES
FRANÇOIS PIAZZA (SALON « SÉVIGNÉ » À MONTIGNY-LES-METZ) :
« Le plus dur et le meilleur »
« Mes deux parents sont coiffeurs, j’ai fait mon apprentissage avec eux. J’ai trouvé ça difficile, les parents ne nous laissent rien passer ! Mon père, surtout, était dur, parfois c’était «chaud» ; encore aujourd’hui, c’est un peu difficile de parler boulot avec lui, même s’il est retraité. Ma mère me « protégeait » un peu. Cela dit, j’ai eu aussi le meilleur en moins de temps : j’ai fait mon CAP en un an, en candidat libre, et ma mère m’a initié aux concours au bout de 9 mois. Puis j’ai eu besoin de partir pour tracer ma route seul : je suis allé un an à Winchester, en Angleterre… chez un de leurs anciens salariés. A mon retour, j’ai repris un des salons de mes parents, à Metz, mais eux n’ont pas continué à y travailler. De l’ancienne équipe, une seule travaille encore pour moi aujourd’hui ; j’ai aussi fait évoluer la clientèle. Je dirais que ma mère m’a transmis l’amour des concours, de la scène, et mon père la minutie dans le travail. Aujourd’hui, ils sont fiers de moi sur le plan artistique (shows au MCB…), mais sur le plan business, gestion de la clientèle, publicité, nous n’avons pas la même vision des choses. »
HERVÉ WEBER :
« J’ai dû reprendre l’affaire à 19 ans. »
Représentant de la quatrième génération de coiffeurs, Hervé Weber a dû sauter dans le grand bain très jeune… et sans savoir à l’avance que cela arriverait si tôt. « Quand j’avais 19 ans, mon père est décédé. Il était malade, c’est vrai, mais on croit toujours que la personne va guérir… » Heureusement, Hervé, qui avait toujours voulu être dans le métier, était déjà coiffeur. «Vers 10-11 ans, je venais au salon le samedi, je donnais un coup de main. Puis j’ai fait mon apprentissage chez mon père, qui était plutôt dur avec moi ; je n’étais pas le chouchou, bien au contraire. Ensuite j’ai fait des stages à droite, à gauche, notamment chez André Christ, avant de revenir travailler dans le salon familial. »
Puis sonne l’heure de reprendre l’affaire… à même pas 20 ans. « L’équipe a fait bloc autour de moi. Une exception : une ancienne, avec laquelle je me suis accroché. Finalement, elle est partie. » Quant aux clientes, certaines, qui l’avaient connu tout petit, étaient ravies, d’autres plus hésitantes. « Une grosse clientèle exigeante… un salon haut de gamme… tout de suite, la barre était placée haut ! Au départ, je me suis centré sur la clientèle jeune, car nous avons toutes les tranches d’âge au salon. Autant vous dire qu’avec cela, mon adolescence est passée très vite ! Mais je ne regrette rien, j’ai appris plein de choses.  Je crois que le plus important, c’est la relation entre le parent et l’enfant : ma mère, retraitée, vient 3 jours par semaine s’occuper de la gestion, et ça se passe  bien, parce qu’on s’entend bien en-dehors. »
JAVIER BARREDA (SALONS « R’DIFUSION » À MADRID)  :
« J’ai été rattrapé par le métier... »
Il se l’était pourtant juré : jamais il ne travaillerait dans la coiffure. Il faut dire que son immersion dans le métier fut plutôt rude. Ami d’Alexandre de Paris, Félix Barreda, le père de Javier, était à la tête d’un grand salon madrilène. « Mon père avait aussi un salon à Santander, au bord de la mer, qu’il ouvrait les trois mois d’été pour sa clientèle madrilène en villégiature. »  Chaque année, la famille part donc en vacances à Santander. Mais pas question de passer ses journées à bronzer ! Dès l’âge de 14 ans, chacun des 6 enfants de la famille est prié de venir donner un sérieux coup de main au salon. Le droit d’aller à la plage est conditionné à l’efficacité du boulot en salon. Et dans l’Espagne des années 70, désobéir au pater familias est tout simplement inimaginable…  « Je n’aimais pas le contact avec le public, se souvient Javier. Aussi, j’ai fait après le lycée une fac d’économie et de gestion, et j’ai créé une société informatique. » A l’inverse de 4 de ses 5 frères et sœurs, qui eux prennent le chemin des salons. Pour ses parents, il est perdu pour la coiffure.  En 1992, son destin le rattrape : son père meurt, et ses frères et sœurs, se sentant incapables de gérer les affaires familiales, qui se sont entre-temps étoffées, font appel à lui. Il revend donc sa société informatique et prend la direction du groupe familial. « Aujourd’hui, je suis très content : cela me permet de toucher à beaucoup de choses différentes. » Le groupe a fortement évolué, avec son temps : présent sur le Web, il publie des dossiers de presse. «  En Espagne, les jeunes ne veulent pas devenir coiffeurs, déplore Javier. Dans la famille, la génération suivante grandit, mais sur les 10 jeunes, aucun ne veut travailler avec nous. » Pour l’instant du moins… En accord avec Javier, c’est la photo de son frère Ivan que nous publions
FRANCK :
« Travailler avec ma mère ? ça me coûte un psy ! »
Franck n’a pas souhaité publier sa photo, et c’est compréhensible. Car son histoire est tendue, entre solidarité familiale et heurts. « J’ai fait mes débuts dans différents salons parisiens, Alexandre de Paris entre autres, puis j’ai ouvert ma propre affaire. Je l’ai vendue pour aller aider ma mère à remonter son affaire, puis j’ai ouvert un salon au cœur de la capitale, pensant y être seul maître à bord. Mais elle a eu des revers de situation, et du coup nous nous sommes associés dans ce salon. Et c’est intolérable ! »
Manifestement, un conflit de générations se superpose à une incompatibilité de caractères. « Elle est très dominante, sans esprit d’équipe. Les choses doivent être faites comme ça, et pas autrement. Elle est restée à l’époque où la clientèle venait se faire coiffer tout simplement parce qu’on était talentueux, sans effort à faire. Elle n’est pas commerçante et n’accepte aucune de mes suggestions. » Les choses se sont envenimées au point que la tension est palpable, même pour les clients : « J’ai entendu ma mère dire à une cliente : « J’ai toujours dirigé mes équipes, ça n’est pas mon fils qui va me dire ce qu’il faut faire. »
Le plus difficile ? « J’ai une grosse clientèle, et elle de moins en moins. Du coup elle doit parfois me servir d’assistante, en quelque sorte, pour les brushings par exemple. C’est très douloureux pour elle. » Franck a trouvé un nouveau local et espère signer prochainement. « ça ira mieux entre nous plus tard, elle est ma mère et je suis son fils, mais pour l’instant on est fâchés. En attendant, je vais chez le psy, car cette situation a fait resurgir en moi pas mal de choses du passé. »