Le made in France impose son style... dans la douleur!

30/05/2025 Economie
Economie Le made in France impose son style... dans la douleur!

Depuis dix ans le « fabriqué en France » revient sur le devant de la scène. Une nouvelle histoire d’amour avec les consommateurs renforcée par les questions de souveraineté des uns et les exigences de circuits courts décarbonés des autres. Avec des hauts et des bas…

Tendance, cocardier et éco responsable

Redevenu tendance et branché, le made in France continue d’évoluer en devenant citoyen. La responsabilité sociale et écologique a achevé, durant la crise du Covid, de réhabiliter le fabriqué en France, longtemps soupçonné de nationalisme cocardier ! Une étude LSA dévoile ainsi que 64% des Français ont augmenté leur part de produits hexagonaux dans leur consommation, y compris parmi les ménages les plus modestes. Le petit drapeau orne désormais certains produits, tel un label reconnu de qualité produit, surtout dans la beauté. Et ce au point que dans notre secteur une femme sur deux se dit attentive à favoriser la production française. « Logique, argumente Nicolas Chausson qui a repris Velecta Paris, nos sèche-cheveux sont fabriqués à Romorantin, dans le Loir et Cher, au plus près des consommateurs. Ils n’ont pas eu à parcourir des milliers de kilomètres pour arriver ici. De quoi réduire l’empreinte carbone tout en favorisant l’économie locale. Les normes qualitatives françaises sont particulièrement strictes, garantissant un achat durable. »

Nos régions ont du talent!

De nombreuses entreprises produisant en France le revendiquent depuis des années à l’image de Ducastel (Enosis) , dont l’usine est à Castelfranc près de Cahors dans le Lot, de Coiffance et Chopperhead en Alsace à Villé, ou encore de Sublimo et Défi pour Homme en Dordogne à quelques encablures de Bergerac ou de Fauvert à Aix-en-Provence. Parmi les marques naturelles, Marcapar, en plus des filières indiennes pour ses plantes tinctoriales, devient producteur en France, aux Antilles et via son unité de production de Vaugneray (dans le Rhône), pour certains ingrédients tandis que Patrice Mulato affiche fièrement son made in France! Les marques capillaires fabriquées ou transformées in France sont très nombreuses. René Furterer a toujours mis en avant la région de son créateur, l’Occitanie, essentiellement dans le Tarn, avec une double approche gagnante dans l’esprit des consommateurs : naturalité et fabrication française. « Nous avons une usine à Soual, rappelle ainsi Marie Béchu, responsable communication, et des filières locales, à l’instar de nos fournisseurs étrangers, sont accompagnés dans une logique de commerce équitable depuis des années. Absolue Kératine utilise de la caméline bio cultivée dans le Puy de Dôme avec une filière «fair for life ». »

Petites marques devenues grandes
Même esprit chez Kydra le salon, en prise directe avec la philosophie de son créateur, Patrick Alès, qui a refondu sa coloration en jouant à la fois du naturel et de plantes tinctoriales produites en France. Autre coiffeur qui a depuis longtemps favorisé une fabrication dans l’Hexagone pour répondre à certains de ses besoins techniques, Jacques Dessange, avec La marque Phytodess refondue récemment et produite en Bretagne à Guidel, près de Lorient. Yohann Doremus, créateur de la Gamme Blanche revendique également sa production hexagonale, vers Dunkerque, dénonçant la politique de distribution de nombreuses marques et le manque de clarté sur l’origine de la production: « Beaucoup de marques vendent des produits qui ne sont pas fabriqués chez nous tout en maintenant l’ambiguïté sur leur provenance… » Si le réseau de PME française est riche dans les cosmétiques, il est plus difficile de maintenir la fabrication en France lorsqu’on l’on est dans le textile, c’est pourtant le pari depuis des décennies de Lavigne avec un atelier à Paris : « Nous avons un réseau de sous-traitants pour les demandes particulières et nous sommes très réactifs pour personnaliser, y compris des petites séries, en sérigraphie ou brodées, insiste son pdg Olivier Cassereau. Nous jouons sur une qualité qui est reconnu par nos clients, y compris des grandes enseignes qui nous commandent des vêtements techniques depuis des années. »

Le prix ou la qualité?
Le prix est-il un obstacle ? Oui pour plus de la moitié des consommateurs. Mais les entreprises françaises se recentrant sur les produits qualitatifs vus comme un meilleur calcul à moyen terme, grâce à une meilleure durabilité. Une vision partagée par huit à neuf Français sur dix selon les études d’opinion. L’ancrage territorial, qui pouvait paraitre anecdotique, est désormais un plus dans le story telling que l’on demande aux marques. Ainsi Éléonore Thomas, responsable communication de Fauvert énumère-t-elle en souriant : « Nous sommes fabriqués en France, et même « made in Aix-en-Provence » avec des sous-traitants en Provence et dans les Alpes, et nous utilisons des algues rouges de Marseille. Nous intégrons au maximum les plantes locales depuis l’origine, on ne peut pas faire plus opérationnel comme circuit court ! » et d’insister, « les consommateurs sont prêts à un surcout s’il reste raisonnable et que la qualité est au rendez-vous, sinon la revendication made in France tombe à l’eau. »

Un label à pousser commercialement en salons

Et les coiffeurs peuvent mettre en avant ce label, gage de qualité et d’engagement du salon, en plus de l’incontournable éco responsabilité, qui pousse aussi la revente. C’est aussi le constat d’Olivier Cassereau : « Nous façonnons le tissu à Paris en sélectionnant de plus en plus des fils issus de bouteilles recyclées. La tendance au jetable pour les serviettes et certains peignoirs est une aberration écologique. Nous avions, durant le covid, utilisé des tissus lavables à 60° qui pouvaient être réutilisées environ 50 fois. » S’il est difficile de totalement s’équiper bleu-blanc-rouge, cela reste possible, même si les récents revers de grands noms  français à l'instar d’Eugène Perma dans les produits et de Cindarella dans l'aménagement ont assombri le tableau. Depuis une dizaine d’années l’argument du fabriqué en France redevient un plus marketing au point que les acheteurs aiment voir apparaitre sur leurs produits un signe distinctif discret (ou pas !) affichant les trois couleurs.

Pourquoi ce succès ?
Après la lutte des prix, délétère pour le fabriqué en France, depuis une dizaine d’année, les Français redécouvrent le sens de la qualité et l’éco responsabilité à l’opposé de la fast fashion, vite achetée, vite jetée et malheureusement également  toujours en forte croissance. Garder et recycler redevient tendance. Dernière étape, le covid, qui a redonné du sens à la consommation et une conscience aigüe de nos dépendances. Une étude OpinionWay pour Max Havelaar dessine les grands mouvements : en première préoccupation le prix qui a pris l'ascendant sur toutes les autres préoccupations,69% des sondés le mette en critère essentiel. Pour autant le made in France résiste pour 59% d'entre-eux et enfin le commerce équitable est une réalité dans leurs choix pour 44% surtout dans deux secteurs: l'alimentation et la beauté. Seul souci, si 81% des Français consomment du fabriqué en France pour se nourrir, cette proportion descend à 36% pour les biens manufacturés du fait de la désindustrialisation, constate l’Insee tandis que la période d'inflation forte et d'énergie chère a porté un coup dur à la production hexagonale.


C’est quoi le made in France ?
Question bien plus complexe qu’il n’y parait au regard du nombre de composants qui ne sont plus fabriqués en France mais aussi du fait de la mondialisation et de la multitude d’origines des ingrédients comme l’a montré la pénurie de… moutarde tricolore, essentiellement canadienne jusqu'à ce qu'une nouvelle filière se crée ! Pour prétendre à des labels du type « origine France garantie » plus de 50% de la valeur totale et des « transformations substantielles » doivent être apportées dans l’Hexagone. L’allégation « made in France », facultative, garde un réel flou dont ont profité nombre d’entreprises pour franciser leurs produits, comme certains verdissent leur production… Mais internet a changé la donne rendant ces pratiques extrêmement risquées.


Le Monde aime la France !
La cosmétique française est leader dans le monde. La fédération des entreprises de beauté (Febea) enregistre sur 2024 un C.A. de 22,5 milliards d’euros à l’exportation en 2024, porté par les Etats-Unis, la Chine et l’Allemagne. Près de 60% de notre production part à l’exportation. « Le fait d’apposer la marque « France » sur un produit cosmétique permet d’augmenter son attractivité et sa valeur, de 30% en moyenne, » estime Emmanuel Guichard, délégué général de la Febea.

Brice Thiron

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