Samedi, lundi, mercredi ? J’ouvre si je veux !

01/03/2022 Economie
Economie Samedi, lundi, mercredi ? J’ouvre si je veux !

Si le groupe Cyril Bazin n’est pas le premier à tenter la fermeture le samedi, son initiative a créé un gros buzz médiatique et a surtout relancé le débat sur les horaires et jours d’ouverture dans la coiffure.


Réduire les plages horaires d’un métier comme la coiffure, très exigeant en temps de présence, est-ce une bonne idée ? La problématique, bien plus complexe qu’il n’y paraît, mérite d’être posée. Le séisme médiatique est venu au début de l’automne 2021 avec l’annonce du groupe de la région nantaise, Cyril Bazin, de tester pour six mois la fermeture le samedi. Une mesure dans la droite ligne d’une autre action déjà mise en place : la semaine de quatre jours (mais en réalisant 35 heures) pour les équipes, avec deux nocturnes les jeudi et vendredi. « Nous avons mis en place ces évolutions en concertation tant avec nos clients que nos équipes », expliquent Sarah Guimond et Cyril Bazin, les deux associés. Le tout avec deux motivations fortes : bien-être des équipes et créer un buzz (très efficace !) pour faciliter le recrutement. Comme vous avez été des dizaines à nous le faire savoir, la fermeture ou le roulement des équipes pour ne pas travailler le samedi, c’est une pratique déjà répandue.

Adapter les horaires à sa région et sa clientèle

La remise en question s’est accentuée avec la crise du Covid et les changements d’habitudes des consommateurs. Simplement, cette organisation n’est pas adaptée à tous. « L’aménagement des horaires, on le fait déjà. Ne pas travailler le samedi, j’y ai pensé mais attention, prévient de son côté Thierry Bordenave des Hommes ont la classe. Le risque est de démobiliser les équipes et de perdre une partie du chiffre d’affaires qui ne se transférera pas forcément sur les autres jours. Je préfère les roulements d’équipes qui permettent d’adapter le temps de travail aux besoins de chacun et de répartir les efforts. Il est pour moi plus important de travailler sur la motivation et la rémunération des coiffeurs. Le plaisir de venir est au cœur de ma réflexion depuis le début, je l’applique pour moi-même et mes collaborateurs ! La rémunération suit généralement avec l’engagement de chacun. » Le problème est connu : le recrutement et la fidélisation des équipes, Dans ce cadre, améliorer les conditions de travail et les salaires sont deux pistes incontestables. Mais deux écueils sont à prendre en compte : l’implication de l’équipe et les attentes des clients, d’où l’étude lancée par les salons Cyril Bazin auprès d’eux en amont de cette décision. Car comme vous nous l’avez fait remarquer, on ne retient pas des coiffeurs qui ne veulent plus travailler en salon et pour lesquels chaque contrainte sera une contrainte de trop ! C’est le risque d’une fuite en avant : fermeture le samedi, le lundi, puis le mercredi et tôt dans la soirée, où se situe la limite ? « Nous devons avancer sans a priori », constatait Jérôme Laurent, de la Biosthétique, lors d’une interview sur les conséquences du Covid sur nos habitudes. On l’a oublié, mais les couvre-feux nous ont montré qu’il était possible de réaliser le chiffre d’affaires avec des plages horaires plus courtes. Certains salons ont réussi à le maintenir en fermant à 18 heures. Reste à savoir si c’est transposable hors période de crise… » Mais aussi en fonction des concepts. Le milieu de gamme classique et le low cost reposent beaucoup sur la disponibilité des équipes, même si elles sont en rotation sur de larges plages horaires. Les salons plus intimistes ou haut de gamme peuvent plus facilement faire migrer leur clientèle, mais dans quelle mesure ? En termes de gestion, on pose là une vraie question qui intéresse tout autant les managers que les gestionnaires, sachant que les salons sont vides une partie de la journée. À quel point peut-on optimiser le remplissage ? Une seule certitude, rappelle Franck François, président du groupe Vog : « Travailler moins pour gagner plus, ça n’existe pas ! »

Vos réactions à une fermeture du samedi !
Rodolphe (Tours) : « Je suis fermé le samedi mais j’ouvre du lundi au vendredi non-stop de 7 heures à 20 heures. En ouvrant les lundis, j’ai trouvé une clientèle qui travaille le samedi, heureuse de pouvoir se faire coiffer leur jour de congé. »
Alexandra Ossedat (Bellerive-sur-Allier) : « Imaginons que les autres commerces fassent de même, comme les restaurateurs, je pense que ça ne plairait pas. Faire un roulement me semble la meilleure solution pour que tout le monde en profite. »
Wilfried Bodenhausen (Suze-la-Rousse) : « Ma collaboratrice ne bosse pas le samedi. En revanche, elle fait 35 heures sur 4 jours et elle bosse superbement bien ! Moi je travaille le samedi, d’autant que je m’occupe des coiffures événementielles. »
Martine (Bordeaux) : « Moi je ne changerai pas mon lundi. Le samedi, bonjour la foule partout, les administrations sont fermées, pourquoi pas moitié/moitié ? »
Anne-Marie (Courcelles-en-Montagne) : « On ne peut pas retenir le personnel de cette façon s’il ne veut pas travailler. Je n’y crois pas, une opération de ce type se met en place à l’initiative des changements d’habitudes des clients, pas à la demande des salariés. Ce qu’il manque, c’est la passion du métier. »
Magali (Escaudœuvres) : « Si ça continue, on va fermer le samedi pour partir en week-end et le lundi pour le prolonger et le vendredi à 17 heures pour faire les valises. Soyons réalistes, il faut bosser. »
Louisa Abdouche (Corneilla-la-Rivière) : « Très bonne décision, c’est le jour le plus calme pour moi, je ne bosse que le samedi matin mais je travaille entre 12 et 14 heures mes jours d’ouverture. »
Murielle Le Breton (Paimpol) : « Pourquoi ne pas plutôt tourner avec les plannings des salariés et leur donner un samedi toutes les trois semaines ? Le samedi reste une belle journée de travail pour ma part. »


Contrepoint


Franck François, président du groupe Vog


« L’annonce très médiatisée de la fermeture de salons le samedi est un bon coup de pub, mais attention à ne pas y voir une réponse pour toute la profession », prévient le coiffeur, qui rappelle le combat il y a 20 ans pour avoir le droit d’ouvrir le lundi pour certains. « Le lundi, c’est 14 % du chiffre d’affaires, un plus réel, mais le samedi dans le groupe, c’est 21 % et même 24 % dans nos pilotes ! Pense-t-on vraiment récupérer cette activité sur les autres jours ? Je ne le crois pas. » Le bilan, tant pour le salon que pour les salaires des employés, n’est donc pas si évident à faire. « Nous avons du pain sur la planche pour fidéliser et attirer d’autres profils, y compris en aménageant leurs horaires d’ailleurs, mais ceux qui veulent partir partiront… Il serait bien de récupérer les plus de 40 ans pour les remettre à niveau car beaucoup ont arrêté la coiffure. Et la priorité est de limiter les pertes de personnel en organisant les plannings pour tenir compte de celles qui ont des enfants en bas âge, par exemple, d’augmenter le roulement pour travailler un samedi sur deux quand la taille des équipes est suffisante, et surtout de maintenir autant que possible, quels que soient les jours choisis, le principe des deux jours de repos consécutifs. La fidélité des équipes est un travail à plusieurs niveaux mais qui ne doit pas s’obtenir en les démobilisant encore plus et en sacrifiant la rentabilité. » Et de conclure sur l’importance d’équilibrer vie privée et vie professionnelle et de maintenir les salaires : « Le plus important pour le manager est de tenir ses promesses pour fidéliser les employés. »

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